DES LIVRES EN PARTAGE
L'homme augmenté, futurs de nos cerveaux
de Raphaël Gaillard
Éditions GRASSET
L’homme augmenté
Futurs de nos cerveaux
Un essai de Raphaël Gaillard
Une recension de Francis Jubert
Le second opus de Raphaël Gaillard, L’homme augmenté, surprendra tous ceux qui, attirés par ce titre, s’attendaient à lire un essai sur les progrès du transhumanisme. Ils y trouveront surtout d’utiles garde-fous. À sa lecture, ils découvriront que les technologies servant aussi bien à la réparation du vivant qu’à son « augmentation », n’occupent qu’une place secondaire en comparaison du sentiment d’urgence anthropologique qui habite l’auteur, plus soucieux de soigner que d’augmenter l’homme. Pour se prémunir des effets délétères des hybridations qui menacent la santé de l’homme, il préconise de recourir au livre, « cet objet associant écriture et lecture qui constitue la grande hybridation de l’humanité ».
Francis Jubert
L’essai que vient de publier le Pr Raphaël Gaillard est divisé en trois grandes parties. Les deux premières traitent de sujets connexes, l’hybridation cerveaux-machines d’une part, les risques qu’introduit l’intelligence artificielle d’autre part. La dernière se focalise sur le livre comme hybridation.
La première partie fait la part belle aux neurosciences et à ses applications. Elle s’ouvre sur un chapitre consacré à Elon Musk qui s’est donné pour objectif d’augmenter par la technologie la puissance de notre cerveau. Suivent les relations d’expériences spectaculaires visant à tromper le cerveau d’un patient pour le soulager de douleurs ou restaurer chez lui des fonctions entravées par la maladie. Les chapitres suivants indiquent de quelle manière ces interfaces utilisées pour le soin, souvent associées à des psychostimulants, pourraient bénéficier à des individus en bonne santé pour augmenter leur potentiel.
Dans la seconde partie, Raphaël Gaillard s’attache à montrer comment tirer parti de l’intelligence artificielle dont l’interaction avec notre propre intelligence pourrait avoir des effets critiques sur notre santé mentale si nous ne nous montrions pas à la hauteur de cet échange. Pour l’heure, fait-il observer, l’IA a une propension à construire de toutes pièces une réponse sans rapport avec la réalité. En tant que psychiatre, il s’interroge donc sur la santé mentale de l’IA elle-même. Il fait enfin observer que l’usage désordonné des écrans et objets connectés n’est pas davantage sans risque.
La dernière partie de cet essai a trait au livre et à ses vertus. Après un premier chapitre sur les techniques de neuromodulation, celui qui a créé à Sainte-Anne l’institut éponyme montre au travers d’exemples qu’il est possible de soigner nombre de troubles mentaux résultant de l’IA, ce qu’il appelle les « psychopathologies de l’hybridation ». Dans les chapitres conclusifs, l’auteur souligne les bienfaits que l’on peut tirer de la lecture : c’est ainsi, dit-il, que nous éduquons notre empathie. Il plébiscite la médecine narrative qui, au travers des récits de patients, des grands textes de la littérature ainsi que de l’écriture de leur propre vécu, permet d’éduquer les étudiants en médecine à l’écoute de leurs futurs patients.
Le livre de Raphaël Gaillard devrait connaître un retentissement certain. Il le mériterait. L’auteur a su sortir de sa zone de confort, celle de son expertise médicale, pour se hisser à hauteur des préoccupations qui sont celles de l’homme d’aujourd’hui, confronté à la montée en puissance de son avatar, l’homme numérique, qui désormais se joue de lui, l’égare, en multipliant les biais cognitifs ou en singeant sa propre intelligence. Mobiliser les ressources de la lecture pour remédier aux maux de l’hybridation technologique n’est pas la moindre de ses trouvailles et, à elle seule, mériterait que l’on consacre à cet essai toute l’attention qu’il mérite.
Raphaël Gaillard est un ancien élève de l’École normale supérieure.
Professeur de psychiatrie-praticien hospitalier, il est aussi directeur du Pôle hospitalo-universitaire de psychiatrie Paris 15 de l’hôpital Sainte-Anne et de l’université Paris Cité.
Rédacteur en chef de la revue L’Encéphale.
Chercheur en neurosciences cognitives et pharmacologie et Président de la Fondation Pierre Deniker pour la recherche et la prévention en santé mentale.
Président de la Compagnie des Experts Médecins auprès de la Cour d’Appel de Paris
Outre ses contributions à quatre ouvrages (Actualités sur les maladies dépressives, Lavoisier, 2018 ; Troubles d’apprentissage chez l’enfant, Lavoisier, 2014 ; Les troubles bipolaires, Lavoisier, 2014 ; Manuel de psychiatrie clinique et psychopathologique de l’adulte, PUF, 2012), il a publié aux éditions Grasset, en 2022, Un coup de hache dans la tête, Folie et créativité.
Qu'en pense la critique ?
Dans L’Express, Stéphanie Benz écrit le 30 janvier 2024 : « Dans son récent essai sur l’homme augmenté (Grasset), le psychiatre Raphaël Gaillard apporte un éclairage passionnant sur l’amélioration de nos capacités cognitives par la science et la technologie. Au moment où Elon Musk annonce le succès de la première implantation chez un patient de sa puce neuronale, le spécialiste explique pourquoi l’augmentation globale de l’homme des interfaces cerveau-machine reste et restera un fantasme. Pour autant, il raconte aussi comment les avancées de la recherche permettent de renforcer les capacités de notre encéphale. Il y est question d’électrodes, de médicaments, de séquelles psychédéliques, mais aussi de vélo bureau. Fascinant, au moment où les progrès de l’intelligence artificielle nous exposent à de nouveaux défis ».
Quant à Nicolas Ungemuth, il écrit, dans Le Figaro Magazine du 16 février 2024 : « Dans un livre passionnant, L’homme augmenté, l’éminent psychiatre Raphaël Gaillard évoque les apports incroyables de l’intelligence artificielle pour soigner plusieurs pathologies en passant par notre cerveau. Il n’oublie pas de dire au passage qu’il y aura un inévitable prix à payer. »
L’homme augmenté est paru aux éditions Grasset le 10 janvier 2024.
352 pages – ISBN-13 : 978-2246835172.
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Guy Mamou-Mani, Pour un numérique humain, les 8 conditions d’une transformation réussie (Hermann, 2024)
Heinz Wismann, Penser entre les langues (Albin Michel, 2023)
Stanislas Dehaene, Apprendre ! Les talents du cerveau, le défi des machines (Odile Jacob, 2018)
Maylis de Kerangal, Réparer les vivants – un roman paru chez Gallimard en 2015.
Voir aussi cette interview de Raphaël Gaillard sur France Inter : Grand entretien (20 janvier 2024).
Voir enfin, autour du livre, l’émission La grande librairie du 8 février 2024 : Raphaël Gaillard, l’hybridation de nos cerveaux.
© France-TV – Capture d’écran
Publié le 23 février 2024 – Francis Jubert